Anomalie

La production en série à pour objectif la création de modèles parfaits, dans une uniformité totale, tous dépourvus de défauts. Mais il arrive qu’il y ait des bugs de série, des défauts de fabrication. Ces produits “anormaux” sont alors soit bradés, soit détruits. Mais ces produits sont-ils réellement défectueux?

Et si les défauts étaient des qualités? Et si ce qui nous différenciait était en fait ce qui nous démarquait des autres? La singularité aléatoire, incontrôlée et involontaire d’un objet lors de sa réalisation en série en a fait toute sa valeur. L’anomalie n’est qu’un cadeaux du hasard.

Les vêtements sont conditionnés par la société et en sont donc le reflet. Un vêtement qui ne correspond pas à l’esthétique définie par la société, qui ne répond pas aux valeurs morales établies, ou qui ne rempli pas la fonction qui lui est associé est anormal. La fonction du vêtement est réfléchie et suit plusieurs critères. La praticité est importante, un vêtement doit répondre à un besoin et les caractéristiques qui lui sont conférées correspondent à son usage. L’apparence est aussi primordiale, nos habits correspondent en général à l’image que nous voulons montrer de nous aux autres. Les usages du savoir vivre en société jouent souvent un rôle dans notre manière de nous habiller ainsi que dans le travail de création des stylistes qui imaginent les vêtements. Et si l’anomalie était une alternative à la norme? Et si elle contredisait les règles établies par l’histoire? 

Le corset est un vêtement paradoxal car il doit cacher la poitrine tout en la mettant en valeur. Sa fonction est principalement esthétique, il comprime le corps afin de l’amincir, ce qui renvoie à une notion d’inconfort qui est amplifiée, sur ce corset, par la doublure en tulle et en feutre désagréable au contact de la peau. Le feutre est comme une seconde peau fine, fragile et pénible. Ce corset dénonce les abus de la mode sur le corps des femmes : on pense avant tout a son apparence et non à son confort. Le corset exprime la phrase “il faut souffrir pour être belle”.

La transparence du tissu et les trous laissent entrevoir le corps de la femme, jouant avec la nudité taboue du corps féminin. Ce vêtement ne cache donc pas le corps, il le dévoile pour questionner l’image du corps féminin dans la société. La structure du corset fait penser à une cage qui enferme et comprime le corps, cette idée est renforcée par les trous laissant voir la peau par transparence. 

La structure, en toile noire épaisse et résistante, contraste avec la couleur et la fragilité du feutre. Le feutre évoque la peau, alors que le tissu noir rappel les tissus utilisés pour la fabrication des corset. De plus les coutures sont visibles pour donner au corset une impression d’inachevé avec encore ses lignes de constructions. Le vêtement perd sa fonction, il n’est plus qu’une ébauche, une ossature évidée qui laisse entrevoir par moment la peau et le corps de celui qui le porte.